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Un peu de lecture pour connaître les risques.
LES DIFFICULTES D'ETRE PRETRE SOUS LA REVOLUTION.
1789 - Année de tous les changements. Les aristocrates et les prêtres sont les premières victimes de cette révolution qui explose dans tout le pays. Le 24 novembre de cette année-là, Talleyrand et Mirabeau proposent la confiscation des biens du clergé, qui vont ainsi devenir "biens nationaux". Le 12 juillet de l'année suivante, l'Assemblée Constituante vote la "Constitution civile du clergé", dont le décret sera paraphé, la mort dans l'âme, par Louis XVI, le 24 août 1790. Archevêques, évêques et curés seront dorénavant des fonctionnaires élus, au même titre que les députés, payés par l'Etat, donc émancipés de la suzeraineté pontificale. Le 27 novembre 1790, l'Assemblée ordonne à tous les ecclésiastiques de prêter le serment (la Révolution affectionne particulièrement cette cérémonie). Le clergé se plie en général difficilement à cette formalité ; les prêtres jureurs sont appelés aussi "constitutionnels" ou "assermentés", les autres, qui refusent l'autorité de l'Etat, sont dits "réfractaires" ou "insermentés". Ces derniers continuent malgré tout, pour beaucoup d'entre eux, à officier, mais dans la clandestinité. Ils sont évidemment traités en suspect et contraints à la déportation.
Ainsi, on peut dire que peu à peu une nouvelle guerre de religion s'installe dans le pays, et jusque dans le moindre de nos villages, comme on va le voir ensuite. La population bien sûr, tente de rester fidèle à son curé, et boude le prêtre parachuté par l'Administration, le "constitutionnel", au risque de subir les rigueurs des lois républicaines.
Les faits relatés ci-après sont des tranches de vie mettant en scène quelques prêtres du secteur des villages de Wambaix, Séranvillers, Forenville, tous trois situés à quelques kilomètres de Cambrai. Le village de Séranvillers est cité par les historiens Peter et Poulet, comme étant "un véritable centre d'opérations de prêtres réfractaires". Il s'y passe effectivement des événements secrets comme on va le voir plus loin.
Les déboires de Gosteau, prêtre à Wambaix.
Natif d'Onnaing, près de Valenciennes, Pierre Joseph Gosteau est nommé curé à Wambaix le 13 mai 1785. On peut affirmer sans risque d'erreur qu'il accomplit ses devoirs en toute tranquillité dans notre petite communauté, à peine troublée par quelques faits divers, la routine en quelque sorte. L'église vient d'être reconstruite et la cure possède quelques biens, gérés par les marguilliers de la Fabrique. Gosteau, le moment venu, consent à prêter le serment exigé par la loi. "Aujourd'hui 27 février de l'an mil sept cent quatre vingt onze, à l'heure de la messe paroissiale par devant le Conseil général de la Commune et les fidèles rassemblés, fut et a été, de la part de Joseph Gosteau, prêtre curé de la paroisse de Wambaix, prêté à haute et intelligible voix, en l'église paroissiale, le serment de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui lui sont confiés, d'être fidèle à la nation, à la Loi et au Roy, de maintenir de tout son pouvoir, la constitution civile du clergé décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roy, n'acceptant ce qui seroit contraire à l'autorité spirituelle de la doctrine catholique et apostholique et romaine dans laquelle il veut vivre et mourir."
Trois mois plus tard, Gosteau est pourtant déchu, et remplacé. Que devient-il ? Comme "le juif errant" dit-on, il vagabonde. On le voit ici ou là, officiant sans doute dans la clandestinité. Enfin, pour fuir les éventuelles persécutions du nouveau régime, il passe la frontière toute proche et s'exile aux "Pays-Bas Espagnols".
Gosteau disparu, la municipalité s'aperçoit qu'il n'a guère payé la totalité de ses impôts, et notamment "le tiers du don patriotique". L'administration venait de supprimer les anciens impôts et, les caisses étant évidemment vides, il fallut à la hâte lever contributions et don patriotique en attendant que se mette en place le nouveau système des impositions. Le Conseil général de la commune délibère à propos de Gosteau et décide de se saisir des meubles de l'ex-curé. Mais celui-ci, se demande-t-on, aurait-il laissé quelque chose avant de quitter le pays ? La population wambaisienne est alors invitée à venir déclarer au greffe de la mairie l'existence éventuelle de mobilier ayant appartenu à Gosteau. "A défaut de déclaration ou dans le cas de fausses déclarations de la part de ceux qui auroient quelques connaissances ou la garde des meubles, ils seront garants ou responsables de la perte qui pourrait s'en suivre pour la Nation et en outre condamnés à une amende". On ne sait pas si ces menaces furent suivies d'effets, tant il est certain que l'ex-curé conserva chez nous un nombre sans doute non négligeable de sympathies. On ne bouscule pas, comme par un coup de baguette magique, des siècles et des siècles de pratiques religieuses.
1793. Gosteau demande à rentrer au pays, ensuite on perd sa trace. On le retrouve à Wambaix en 1802. Autre époque ! France et papauté se sont réconciliées. Le premier consul vient de signer le Concordat, avec les envoyés du pape Pie VII. Notre-Dame de Paris retrouve les fastes des cérémonies religieuses de l'Ancien Régime. Le Concordat entre en vigueur, symboliquement le 18 avril 1802, jour de Pâques, à l'issue d'une cérémonie voulue grandiose pour montrer aux yeux du monde, l'étendue de la puissance de Bonaparte. Les évêques et les curés doivent cependant, comme aux premiers temps de la Révolution, prêter le nouveau serment exigé par la loi : "le vingtquatrième jour du mois de floréal de l'an dix de la République française par devant nous Pierre Joseph Foveaux maire de la commune de Wambaix soussigné est comparu le citoyen Pierre Joseph Gosteau prêtre curé de la paroisse de Wambaix lequel pour se conformer à l'arrêté du Préfet du 16 floréal dernier a prêté entre nos mains le serment voulu par la loi relative à l'organisation des cultes et conçu en ces termes: Je jure et promets à Dieu, sur les Saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution de la République française, je promets aussi n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue soit au dedans, soit au dehors qui soit contraire à la tranquillité publique et si dans ma paroisse ou ailleurs j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat je le ferai savoir au Gouvernement. Ainsi fait et solennellement reçu en la mairie du dit Wambaix le jour mois et an qui dessus. En foi de quoi le dit Gosteau a signé avec nous…".
On soulignera au passage le côté plutôt politique du serment précité, qui occulte la vocation sacerdotale du prêtre envers les fidèles de la paroisse, pour ne laisser apparaître qu'un vœu de fidélité aveugle à l'égard du régime établi. Là se situe la grande différence par rapport au premier serment de Gosteau, 10 ans auparavant.
Gosteau n'eut guère longtemps l'occasion de prouver sa fidélité au Gouvernement car il s'éteignit à Ligny en Cambrésis le 10 avril 1803.
LES PRETRES REFRACTAIRES A SERANVILLERS
Le commissaire MUTTE, cité plus haut, constate donc avec satisfaction que la population wambaisienne se rend volontiers à l'office du curé de l'état, PUCHE. Cependant, quelques "imbéciles", ce sont les termes employés par MUTTE, iraient à la chapelle de Séranvillers, où un certain Philippe, natif des environs du Quesnoy, assure en cachette le service religieux. Il s'agit de Pierre Joseph PHILIPPE, né à la Flamangrie, au canton de Bavay. Les cérémonies célébrées par ce prêtre attirent, semble-t-il, la population des villages voisins. Le zélé DEVILLERS le dénonça et il fut arrêté le 17 décembre 1792.
Apparut alors le "pieux et intrépide OBLIN". OBLIN est abbé de Damartin. A l 'approche de la Révolution il se retire dans sa famille de Séranvillers. L'historien Boniface décrit assez bien les activités de ce prêtre rebelle aux nouvelles idées. OBLIN, protégé par la population et sans doute par l'aristocratie du village, attire à Séranvillers la foule des gens fidèles à l'ancien dogme. La grange du dénommé Dassonville est utilisée comme lieu de culte :
Un jour d'été de 1795, la grange la plus spacieuse de Séranvillers se trouvant vide, fut tendue de drap de lit bien blancs. On la décora de feuillage et l'on dressa un autel à l'extrémité orientale de l'aire. Vers quatre heures du matin, les plus pieux catholiques débouchèrent par diverses voies, les hommes à droite, les femmes à gauche. 120 enfants occupèrent la place d'honneur.
Il s'agit, d'après Boniface, de la cérémonie des communions solennelles. L'auteur ne cite pas ses sources avec précision. On peut donc douter. Le nombre des enfants est très important, ou alors il faut admettre que l'on est venu des villages voisins et notamment d'Esnes, pour participer à l'office. L'heure très matinale de célébration laisse perplexe : il n'est pas question d'officier en plein jour. D'autre part c'est l'été, et le peuple paysan a besoin de sa journée pour les travaux des champs.
OBLIN est aussi prêtre itinérant, ou "prêtre à valise". tous les 15 jours il se déplace. "Il annonce à l'avance son arrivée et le lieu de sa station". Les gens se font les plus discrets possible en rejoignant le rendez-vous. La grange de Dassonville est utilisée plusieurs fois. Le cérémonial de l'office est évidemment simplifié. On n'ose guère chanter. 1 ou 2 personnes de l'assistance récitent l'évangile du jour.
OBLIN tient, dès 1794, un registre des baptêmes et des mariages. Les archives de Séranvillers dévoilent quelques feuillets signés de la main d'OBLIN, d'autres signatures apparaissent au bas des actes, celle d'un certain DELANNOY, curé de Clary, qui deviendra au Concordat curé du Cateau, Monsieur Henri MONTIGNY, auteur d'une importante monographie de la commune de Clary, cite abondamment ce prêtre réfractaire, de passage, on ne sait pourquoi, à Séranvillers (printemps 1797). Ajoutons enfin, à la liste des prêtres réfractaires, le dénommé Jean-Baptiste CREPIN, "missionnaire", dont on ne connaît que la signature au bas d'un acte de baptême.
OBLIN célébra son dernier mariage à Esnes le 15 août 1801, et laissa ensuite la paroisse à son successeur : le dénommé LESNE.
Source :
http://revolution.fr.free.fr/index1.htm