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> Intendits / Preuves de noblesse, Flandre et Artois
dhamelin
posté 21/10/2017 à 19:28
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Bonjour à tous,

A la fin du XVIème et au début du XVIIème siècle, nous retrouvons des intendits et de nombreux dossiers constitués par des familles nobles afin de prouver leurs noblesses et les exemptions que ce statut leurs procurer.
Ces intendits, après vérification, permettaient d’obtenir une sentence du conseil d’Artois ou de la gouvernance de Lille confirmant la noblesse de ces familles.
Connaissons-nous les raisons qui ont motivées le conseil d’Artois et la gouvernance de Lille de demander à ces familles de prouver sur titre leur noblesse ?
S’agissait-il uniquement de motivations fiscales ?

Merci d’avance,

Cordialement

David
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ffoucart
posté 30/12/2017 à 13:01
Message #2


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Bonjour,

La question relative à la qualité nobiliaire est assez complexe à traiter car largement tributaire de la période et de la région dans lesquelles elle se trouve posée.

Pour replacer les choses dans leur contexte, il faut comprendre que la noblesse en tant que groupe social a subi de nombreuses évolutions dans le temps, avec notamment une extension de ce groupe aux chevaliers qui en étaient exclus initialement, effective au XIIIème siècle.

Cette extension traduit la perte d'influence de la noblesse ancienne (issue de la noblesse carolingienne), dont l'importance numérique était faible, mais dont le prestige et l'importance économique assuraient son statut.

L'arrivée des chevaliers, d'origines diverses (cadets de familles nobles, mais aussi et surtout paysans aisés et serfs gérant les domaines, aussi appelés ministériaux), a rendu la frontière entre nobles et roturiers aisés plus floue, d'autant que ces derniers pouvaient être adoubés (et donc anoblis) dans certaines occasions, même si cette noblesse pouvait ne pas être transmise. On trouve ainsi des artisans adoubés lors de la défense de villes flamandes à la fin du XIIIème siècles, dont les fils sont attestés par la suite comme artisans.

A partir du XIVème siècle, l'idée qu'un grand seigneur pouvait anoblir un individu était juridiquement acceptée, même si socialement ces anoblis avaient du mal à se faire accepter (d'autant qu'ils étaient peu nombreux). Nombre d'entre eux ou leurs descendants ont souvent eu affaire aux tribunaux, les communautés locales auxquelles ils appartenaient continuant à vouloir les taxer comme roturiers.

Ici, il faut bien comprendre un point essentiel: la noblesse était un statut juridique, certes, mais surtout et avant tout un statut social. C'est le fait d'être reconnu comme noble dans la sphère sociale dans laquelle on évoluait qui permettait d'affirmer son statut. D'autant que les preuves de noblesse qui étaient alors présentées se résumaient le plus souvent à des témoignages de personnes ayant connu la famille et l'individu.

La définition "classique" du noble émerge donc vers 1400 comme celle d'un individu vivant noblement, et issu de père et de grand père nobles (l'idéal était qu'ils furent chevaliers), en légitime mariage (d'où les mentions "ayant épousé une demoiselle"). Le genre de vie noble ne se limitait pas à l'interdiction de certaines professions, puisqu'il fallait pratiquer le métier des armes ("servir") et avoir une vie courante conforme (en termes d'habillement, de nourriture, de relations sociales..). Il ne suffisait donc pas d'être, il fallait impérativement paraître. Ce qui impliquait une certaine fortune, car l'essentiel des revenus devaient venir de rentes, ou du travail de la terre (celle du noble, car s'il pouvait labourer, ce devait être uniquement la terre qu'il possédait).

L'organisation administrative étant de plus en plus structurée, les collecteurs d'impôts vont tout faire pour accroître la masse des contribuables, et les communautés villageoises ont elles-mêmes intérêt à ce que le nombre de nobles soit le plus faible possible, d'où de nombreux procès à partir du XVème siècle, dont on conserve une partie, au moins à l'état de traces.

Compte-tenu du caractère militaire de la noblesse pendant toute cette période (XIIème/XVIème siècles), une des voies "classiques" d'intégrer la noblesse était le service militaire. Or, les guerres vont se multiplier au XVIème siècle, et la chevalerie (en tant qu'institution) disparaître du fait du développement de techniques militaires nouvelles. On observe donc une inflation considérable de nobles à cette époque, ce que l'on peut facilement constater lorsque l'on dispose d'archives d'avant 1600. Le Gros de Saint Omer, ou les archives du Boulonnais regorgent d'individus, laboureurs aisés, praticiens, voire marchands, qui s'engagent comme "homme d'armes", et que l'on retrouve dans les actes avec la qualité "d'écuyer" (donc de noble). Une bonne part n'a pas laissé de postérité masculine, et une autre n'a pu se maintenir faute de fortune ou d'assise sociale suffisante. Mais une bonne part de la noblesse d'épée de 1700 tire son origine de ces individus.

Cette inflation nobiliaire a conduit les autorités à effectuer des enquêtes (de réformation de noblesse) afin de "trier" les "vrais" des "faux" nobles, dès la fin du XVIème siècle, le tout essentiellement pour des motifs fiscaux. Idem, à un grande échelle en 1666 en France (donc pour l'essentiel hors de notre propos, l'Artois et le Boulonnais ayant des statuts particuliers, voire n'étaient pas encore Français).

Notons que ces enquêtes ont été réalisées par des nobles de robe, donc étaient d'une certaine manière biaisées en exigeant des preuves écrites. Or, rappelons qu'aux Etats Généraux de 1614, les nobles de robe ont dû siéger avec le Tiers Etat, car considérés socialement comme roturiers. C'est à partir de ces enquêtes que l'exigence d'un anoblissement par le roi devient la norme juridique (même si l'agrégation à la noblesse subsistera jusqu'à la Révolution, mais de manière marginale, alors que c'était la norme antérieurement).

Pour le généalogiste, les maintenus de noblesse semblent être du pain béni, et une niche d'informations sur les familles qui en ont bénéficié. Il faut relativiser, car c'est beaucoup plus compliqué que cela en a l'air.

D'abord, car les preuves écrites ont un gros défaut: on peut les falsifier. Or, c'est très exactement ce qui s'est produit: de nombreuses familles, de noblesse récente, ou dont les preuves étaient insuffisantes, ont eu recourt à des faussaires. Le plus souvent, ces derniers n'ont pas créé des actes de toutes pièces, d'autant que les actes devant être produits devaient avoir un caractère officiel (un contrat de mariage était reçu par un notaire ou un prêtre, officiers publics), ce qui implique que les familles n'avaient qu'une copie de l'acte, l'original étant conservé ailleurs. Et l'officier public qui acceptait de prêter son concours s'exposait à de très lourdes sanctions (à minima les galères, et souvent, pour les cas les plus graves, et une usurpation de noblesse étant un cas grave, la mise à mort dans des conditions atroces, plomb fondu dans la bouche et tutti quanti). Donc, les faussaires modifiaient les copies des actes officiels par divers procédés, dont le plus courant était le grattage, car moins voyant que la rature.

Ensuite, on essayait de se raccrocher à une famille homonyme de bonne noblesse par divers moyens, dont celui de se faire reconnaître comme cousin par un membre de ladite famille.

Donc, vous l'aurait compris, en réalité ces maintenus sont très piégeux, et doivent être contrôlés par ailleurs.

A titre anecdotique, le Conseil d'Artois a validé la noblesse d'Antoine DU BOIS, sieur d'Haucourt.
https://books.google.fr/books?id=le8W_0ycdA...p;q&f=false

Dans sa requête, il indique que son grand père, Melchior DU BOIS, seigneur en partie d'Haucourt, était fils de Zégre DU BOIS DE HOVES. Ils e trouve que j'ai dans mon ascendance ce même Melchior DU BOIS, qui était un bon roturier, bourgeois de Douai par achat, et censier de la cense des Malades à Douai. Et dont le père se prénommait Nicolas.

Au surplus, on dispose d'assez d'actes (BMS ou notariés) pour constater qu'André DU BOIS, le père d'Antoine, n'était pas noble, et que son frère n'a pas revendiqué une quelconque qualité nobiliaire. Même dans son contrat de mariage, à Béthune, Antoine n'est pas dit noble.

A Lille, dans les maintenus de noblesse contestables, ont peut citer évidemment les MASSIET (avec une procédure judiciaire au XVIIIème siècle), mais aussi les HESPEL, les LE PIPPRE etc.....

François



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