Emigration USA mineurs, Bassin minier autour de Douai Options

[mrichou]

Bonjour,

En faisant des recherches généalogiques sur la vie de mon arrière-arrière grand-père né à DOUAI en 1875 et mineur de fond (à Méricourt, puis Courcelles les Lens, ...), j'ai découvert qu'il avait émigré aux USA en 1904 en abandonnant femme et enfants en France. Grâce à des généalogistes bénévoles américains, j'ai pu retracer tout son parcours aux USA : il a travaillé dans des mines du Kansas et de l'IOWA, n'a jamais refait sa vie et est décédé dans l'IOWA. J'ai découvert également qu'il était parti pour rejoindre certains de ses frères et beaux-frères (tous mineurs également) partis quelques mois avant lui. Le premier de ses beaux-frères à être parti a déclaré rejoindre un neveu (mineur également) et ainsi de suite....

Et en parcourant des échanges sur des forums de généalogie j'ai remarqué qu'il y avait de nombreux cas similaires.

Ma question est donc la suivante : quelqu'un saurait-il m'expliquer quelles sont les raisons de cette vague d'immigration de mineurs du bassin minier du nord-pas de Calais vers les USA au tournant du 20ème siècle? Surtout qu'il me semble que le travail ne devait pas manquer dans les mines du nord-pas de calais à cette époque car on embauchait en masse des mineurs étrangers (polonais notamment).

Merci d'avance pour vos réponses!

[jvasseur]

Bonjour,


Il est vrai qu'en 1900, on est loin des différentes ruées vers l'or qui ont drainé un tas d'immigrants européens vers la Californie et le Texas. Mais le rêve américain d'enrichissement est toujours présent à l'esprit.

Les réalités économiques et politiques expliquent cette immigration qui resta très limitée.

Si on prend le cas d'Ovide GOUDEMETZ, mineur de fonds à Hénin-Liétart, membre du POF guédiste, l'un des fondateurs de la Fédération syndicale des mineurs du Pas-de-Calais...

Il migre à la fin de l'année 1903 aux Etats-Unis parce qu'il ne trouve plus d'embauche dans les mines du Nord-Pas-de-Calais parce que repéré en tant que dirigeant des grèves dans le bassin houiller.
Sa première lettre à "l'Action syndicale" (1904) contenait essentiellement des renseignements pratiques destinés aux mineurs souhaitant traverser l'Atlantique. L'année suivante, il fit venir sa famille auprès de lui.

---- Voir Michel CORDILLOT "La sociale en Amérique: dictionnaire biographique du mouvement social francophone" (2002)----


Il n'est pas le seul dans ce cas. Un petit nombre de mineurs est plus ou moins proche des partis anarchistes et est pourchassé par le pouvoir en place. Ils s'enfuient en Grande-Bretagne pour éviter d'être arrêtés puis de là gagnent les Etats-Unis.

A noter qu'on encourage par ailleurs cette immigration.
Il existait au Texas une petite colonie de Fouriéristes arrivés après 1853.

Voir par exemple Georges DE PARDONNET "Emigration au Kansas (Etats unis de l'Amérique du Nord) Le Kansas, ses ressources ses produits, ses concessions gratuites de terres. Conseils pratiques aux émigrants. La Cie de chemin de fer du "Missouri, Kansas et Texas Railway" et ses immenses possessions réputées les meilleures du centre des Etats-Unis" - PARIS imprimerie Lahure s.d 52 pages

Cordialement,
Joël

[fcaron]

Bonjour,

vous devriez lire l'ouvrage en 75 pages de Thérèse VAN DE WALLE, publié en 2010, qui s'intitule "Etude sur les habitants de LIEVIN (62) partis et Etats Unis et au Canada entre 1898 et 1924".

[proussel]

Dans le Nord Pas-de-Calais, les mineurs vivaient dans la misère, ils n'avaient aucuns droits ni bénéfices.
C'est l'époque des conflits, les soulèvemnts des employés, les syndicats, les Compagnies des Mines, et le bras de fer du gouvernement.

Lire - Germinal - le roman de Zola, pour voir les conditions de vie et de travail des mineurs de fond.

En 1980, j'ai visité les descendants de ma famille, mineurs de charbon, aux mines de Auburn, près de Springfield dans l'Illinois, et j'ai eu la chance de rencontrer un vieil immigrant français, né en 1905 à Marles, et qui se souvenait en détail comment sa famille pris la décision de tout quitter, et partir de Marles et Bruay aux Etats-Unis.

Les Compagnies de Charbon américaines payaient des recruteurs en France, qui allaient dans les estimanets (cafés), et racontaitent à qui voulaient les entendre, les richesses du pays américain.

A ces mineurs qui travaillaient et vivaient dans la misère, exploités par les Compagnies des Mines, on leur disait que là-bas, il y avait de l'or à fleur de terre, qu'on pouvait ramasser les pépites et devenir riche, qu'ils pourraient acheter une maison. On leur mettait dans la tête que l'Amérique serait la fin de la misère.

Et pour les plus jeunes, souvent célibataires et désespérés par leurs conditions de vie, tentés par l'offre du recruteur, ils signaient leur contrat avec une Compagnie Minière américaine. Les premières vagues d'émigrants miniers étaient souvent des célibataires, ou des jeunes mariés qui laissaient leur famille en France en espérant les faire venir plus tard, une fois installés.

Quand ils avaient fini le long voyage, le bateau du Havre à New York, Ellis Island, puis le long voyage en train, et finallement atterris en pays inconnu où ils ne comprenaient pas la language - ils allaient travaillé pour la Compagnie Minière américaine, et découvraient que les conditions de travail étaient aussi mauvaises qu'en France, et faisaient face à la même pauvreté.

Les compagnies minières américaines avaient leur police privée qui se débarrassait de ce qui se plaignaient, certaines compagnies payaient leurs employés avec des jetons de la compagnie au lieu d'argent, forçant les mineurs à acheter tout ce qu'ils avaient besoin dans les magasins appartenant à la Compagnie, et sans avoir d'argent pour quitter leur emploi, donc coincés et obligés de rester dans ces compagnies.

-Pour plus de détails, voir le massacre des mineurs grévistes de Ludlow - https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Ludlow

Les conditions de vie des mineurs se sont améliorées après la guerre, mais dans l'ensemble, aucun ne s'est enrichi comme leur avait présenté les recruteurs.


Voir cet article américain sur les Mines, et sur le recrutement et l'immigration de mineurs venus d'Europe.
http://immigrationtounitedstates.org/438-coal-industry.html

Les immigrants aux Etats-Unis venaient aux mines de charbon par des moyens différents.
Certains étaient attirés par les recruteurs (agents d'embauche), principalement installés dans les ports d'entrée, qui avaient recourt à des méthodes souvent élaborées et deceptives représentant faussement les conditions de vie et de travail dans les mines.
D'autres suivaient leurs amis et leurs familles dans les villes minières et dans les camps de mineurs.
Les premiers émigrants étaient principalement natifs des régions minières d'Angleterre, d'Irlande, du Pays de Galles, une région avec de nombreuses mines, et largement représenté, et un influx continu d'ouvriers irlandais au 19e siècle, a assuré la présence d'un grand nombre de mineurs dans les zones produisant du charbon.

La composition ethnique des immigrans mineurs changea dramatiquement vers la fin du 19e siècles, avec l'arrivée massive d'immigrants de l'est et du sud de l'Europe dans les villes minières. Comme la demande de charbon augmentait, les mineurs faisaient des demandes pour une meilleure paye et de meilleures conditions de travail.

Les Compagnies Minières commencèrent alors à recruter des immigrants venant de différents régions ethniques, linguistiques et culturelles, avec pour but de diversifier la population ouvrière, et compliquer les efforts de syndicalisation. Ils voulaient créer une diversité ouvrière où les gens ne pouvaient pas communiquer avec des barrières linguisitiques, rendant difficile l'organization ouvrière et syndicale. Ces divisions étaient augmentées par les séparations des groupes ethniques qui résidaient dans des quartiers séparés.

Ce message a été modifié par proussel - 16/10/2018 à 21:00.

[proussel]

Bonsoir,

J'ai mis ma réponse dans l'autre sujet du même titre: https://www.gennpdc.net/lesforums/index.php...st&p=677184

*Les deux sujets devraient être regroupés.

[jziemczak]

Bonsoir
A partir d’un article ( 100 ans de vie dans la région, réalisé par LA VOIX DU NORD, paru en 1998, tome 1 : 1900-1914 :
…des agents s’insinuent auprès des ouvriers mécontents qui manifestent le désir de changer de compagnie …. Par des promesses alléchantes, lettres à l’appui … alors que si le salaire peut s’élever à 15 francs par jour, le mineur en Amérique ne travaille que 8 à 10 jours par mois … avec un coût de la vie beaucoup plus élevé


Dans l'ouvrage de Thérèse VAN DE WALLE ( excellent) que j'ai devant les yeux, les causes ne sont pas analysés ... souvent c'est pour rejoindre quelqu'un car il y eut une première vague
... de là j'imagine que déçu d'être parti je fais semblant d'être ravi


et ce n'est pas un poisson

01.04.1902 entrée en vigueur de la loi du 30 mars 1900 fixant la durée du travail à 10 heures et demie pour les enfants


et en octobre 1902 : 50.000 mineurs se mettent en grève, soutenus par les dockers de Dunkerque qui refusent de décharger des charbons anglais

Et j'ai fais ce métier et je n'ai que des bons souvenirs malgré 6 jours sur 7 et pas connu les 35 heures et les RTT

et puisque mine il a

03.09.1912 : coup de grisou à la clarence ( Divion ) 79 morts.
La fosse est noyée volontairement : 30 corps resteront au fond

[dlarchet]

*Les deux sujets devraient être regroupés.

bonsoir Pierre...
oui ... d'autant que la localisation du sujet est "autour de Douais" donc les deux sujets (inutiles !) sont regroupés et partent sur le forum Douaisis !
merci de votre attention
amicalement
danielle

[mrichou]

Bonsoir,

Merci pour l'ensemble des réponses très intéressantes! Je comprends mieux le contexte de ce départ. Je vais regarder l'ensemble des références indiquées.

Et désolé pour ce post en doublon, je suis novice sur le forum et je n'avais pas bien saisi la répartition géographique.

Cordialement.

Maïté

[jvasseur]

Bonjour Maïté,
Bonjour à tous,


En parallèle,
Voir également cet article émouvant sur Histoires de Ch'tis --- Le cauchemar américain de la famille LEFEBVRE de Liévin ----

L'histoire d'une famille de mineur qui avait un rêve... décédée dans le naufrage du Titanic dans la nuit du 14 au 15 avril 1912.

Cordialement,
Joël

[mrichou]

Bonjour,
Pouvez-vous m'indiquer où l'on peut consulter ou acheter le livre de Thérèse Van de Walle?

Merci d'avance.

Cordialement.

Maïté

[pwilloqueaux]

Bonjour.

édifiant et je découvre ce fil.

Si vous avez possibilité de trouver ce livre ce serait bien de nous l'indiquer ici.

Merci à vous tous.

[jziemczak]

BOnjour

un peu de patience pour des données pratiques

Joseph

[mrichou]

Bonjour,

J'ai une autre interrogation. Il y avait donc des rabatteurs dans les villes minières françaises, qui faisaient miroiter des contrats dans les mines américaines. Comment cela se passait pour les frais de traversée? J'imagine que même en 3ème classe, un billet sur un transatlantique devait représenter une somme importante pour les familles de mineurs.
Est-ce que les mines américaines payaient le transport des mineurs immigrants pour les inciter à partir? Ou bien s'agissait-il d'un investissement que les mineurs devaient engager personnellement.

Si vous avez des infos, je suis preneuse.

Cordialement.

Maïté

[jvasseur]

Bonjour Maïté,

À l'époque, le transatlantique est un moyen de transport de luxe avec trois classes :
- la première classe concernait les gens fortunés, elle offrait un certain luxe le temps du voyage
- la deuxième était pour des gens plus ou moins aisés
- la troisième regroupait en majorité les ouvriers, les immigrants, les personnes ayant peu de moyens financiers.

Pour se faire une idée voici des tarifs du début du siècle dernier :
- un billet de première classe coûtait de 350 à 500 F
- un billet de seconde classe : de 250 à 300 F
- et un billet de troisième classe de 150 à 200 F.

En 1900, à Paris, le salaire moyen d'un ouvrier manœuvre est de 5 francs par jour et le kilo de pain vaut 0,50 centimes de francs.

Il faut prendre ne compte que les compagnies avançaient tout ou partie du voyage et se remboursaient par la suite sur les salaires à venir. Un moyen de tenir les mineurs sous leur joug.
"On voit se répandre partout des commis qui flairent la misère et le mécontentement et offrent le billet d'embarquement à ces malheureux qui veulent abandonner leur patrie, ou bien qui les incitent à vendre leur maison, leurs meubles et leur terre pour se procurer l'argent du voyage."
---- "Le voyage de l'émigrant de l'époque de la voile au second après-guerre, tout particulièrement au départ du port de Trieste" Francesco FAIT ----

Voir ce qui se passe par exemple dans le pays basque ----La diaspora basque ----

Cordialement,
Joël

Ce message a été modifié par jvasseur - 18/10/2018 à 14:56.

[jmdubreucq]

Bonjour à tous

Pouvez-vous m'indiquer où l'on peut consulter ou acheter le livre de Thérèse Van de Walle?

Joseph m'a transmis les références données sur le bouquin (IMG:style_emoticons/default/nickel.gif) J'ai tenté de joindre Thérèse Van de WALLE par téléphone - numéro non attribué - et par mail - pas de réponse !

La meilleure façon d'obtenir son livre serait la recherche en bouquinerie sans garantie du résultat ...

Bonne journée à tous

[jziemczak]

Bonjour à tous

à partir du nom de la personne sur COOGLE vous trouvez sa généalogie etc etc

Bonne chance

Joseph

[mrichou]

Bonjour à tous,

Merci pour l'ensemble des références, que je me suis procurées (hormis le livre de Thérèse Van de Walle) et que j'ai lues avec grand intéret.
Toutes ces informations sont très intéressantes!
Surtout l'article "100 ans de vie dans la région, réalisé par LA VOIX DU NORD, paru en 1998, tome 1 : 1900-1914" conseillé par jziemczak : l'histoire des rabatteurs des mines américaines y est bien décrite, merci beaucoup!

Je viens de passer deux jours dans le Pas de Calais pour parcourir les villes minières de mes ancêtres. Une belle découverte à cette occasion : en parcourant un peu par hasard le chemin de la mémoire de la catastrophe de Courrières, je me suis rendue compte que le petit frère de mon arrière-arrière grand-père parti aux Etats-Unis faisait partie de la liste des victimes. Il travaillait dans la fosse 3 de Méricourt.
Mon grand-père n'en avait pas connaissance et je ne savais pas que la fosse 3 de Méricourt faisait partie de la compagnie des Mines de Courrières...

Je vais maintenant rassembler l'ensemble des informations obtenues en France et aux USA et faire un écrit pour mon grand-père.

Merci encore pour votre concours!

Maïté

[pwilloqueaux]

Bonjour à tous.

Merci Jean Marie et Joseph, c'est sorti en publication à l'AGFH.

Je vais me renseigner.

Passez un bon après-midi.

[jcoubronne]

Bonjour,
J'ai mis 2000 photos de tombes d'émigrés en Amérique, que j'ai renseignées pour la plupart (voir "member profile jean luc coubronne" dans Google). Mais pour voir leur généalogie, des photos et des documents, il faut aller sur notre arbre "anniedemory" dans Geneanet.
Cordialement,
Jean-Luc Coubronne

Ce message a été modifié par dlarchet - 03/01/2021 à 14:52.

Raison de l'édition : suppression de la citation (merci de revoir les règles à ce sujet !)

[sderuy]

Bonjour,
Je viens de lire votre message. Ma famille (Houilleur habitant à Givenchy en Gohelle), a immigré en 1894 au Kansas pour travailler dans les mines. Si vous le connaissez, pouvez-vous me communiquer le nom de l'ancien mineur né en 1905 à Marles et qui se souvenait en détail de la raison de leur départ aux USA ? Je pourrais peut-être retrouver sa famille afin qu'elle puisse éventuellement me raconter leur histoire. Ma famille vit à Springfield (Illinois), mais malheureusement aucun ne connait la raison de l'immigration de notre famille...
Merci de votre aide précieuse.
Cordialement,
Sylvain DERUY

Ce message a été modifié par dlarchet - 08/11/2021 à 16:22.

Raison de l'édition : suppression de la citation : inutile puisque intégrale (cf consignes du forum)